mardi 9 septembre 2008

Rentrée scolaire de droite

Monsieur Darcos, assumez vos choix éducatifs!

Par Stéfan Gouzouguec | Professeur à Aubervilliers | 14/04/2008, publié sur le journal en ligne Rue 89


J’étais loin de m’imaginer jusqu’à quel point le président de la République souhaitait resserrer le gouvernement qu’allait lui proposer son Premier ministre. En effet, il apparaît clairement que c’est avec vous, monsieur le ministre du Budget qu’il faut parler d’éducation. Puisqu’il en est ainsi et pour répondre à la campagne de communication (ou de désinformation, comme vous voudrez) que mène le ministre de l’Education nationale, mettons-nous le nez dans le terrain et parlons chiffres. Le collège Rosa-Luxemburg à Aubervilliers, dans lequel j’enseigne, perdra deux classes l’an prochain, une troisième et une cinquième, et sept postes d’enseignants (sur 40). Cette année, les élèves de troisième étaient vingt par classe, ce qui n’est pas un luxe dans un établissement "ambition réussite" EP1. L’an prochain, vous pouvez être budgétairement rassuré, ce ne sera plus le cas. Une baisse démographique qui a bon dos Par contre, sur les 116 élèves en sixième cette année, l’inspection académique en prévoit 96 en cinquième l’an prochain. Il ne s’agit pas d’une baisse démographique, puisque l’inspecteur d’académie nous a répondu que la cinquième qui est supprimée serait "avec une quasi certitude" rétablie après les conseils de classe de troisième trimestre. Parfait, mais d’ici là, les heures ne sont pas comptées et les postes fermés. Ne parlez donc pas de baisse démographique, mais assumez vos choix éducatifs. Dans un établissement difficile comme le nôtre, vous estimez plus efficace, plus performant d’affaiblir l’encadrement des élèves en obligeant des professeurs à enseigner sur plusieurs établissements, en faisant appel à des vacataires présents quelques heures dans le collège et en distribuant des heures supplémentaires à des professeurs qui ne comptent pas leur temps. Au mois de juin, donc, la cinquième sera recréée, mais avec des heures supplémentaires ! Pour vous M. le Ministre, une heure supplémentaire ou une heure de vacataire revient moins cher qu’une heure faite par un enseignant en poste fixe à plein temps. Mais, pour les élèves, c’est l’inverse ! Beaucoup de collègues ne veulent pas travailler plus, mais mieux !

Pour une poignée d’élèves de ZEP à Sciences Po



Depuis quelques semaines, un certain nombre de collègues vous alertent en faisant grève ou en manifestant dans la rue. Qu’a-t-on observé depuis dans notre collège ? Des élèves démotivés, l’explosion d’une bouteille devant une classe, un règlement de compte à coup de hachoir de boucher, alors qu’aucun incident grave ne s’était produit jusqu’ici ! Nos élèves sont plus fragiles, ils ont besoin d’être davantage rassurés (par des adultes qu’ils connaissent, par des perspectives d’avenir ouvertes…), de plus de temps pour étudier. La majorité d’entre eux s’orientent vers un lycée professionnel après la troisième. En leur proposant un baccalauréat professionnel en trois ans au lieu de quatre, vous leur supprimez la possibilité de quitter le lycée au bout de deux ans avec un diplôme (le BEP) s’ils n’arrivent pas jusqu’au baccalauréat et vous découragerez ceux qui auraient besoin de plus de temps. Ce n’est pas en amenant une poignée d’élèves de ZEP à Sciences Po que vous allez offrir un avenir professionnel à tous, monsieur le ministre ! Voilà ce qui se cache derrière les chiffres, monsieur le ministre, une réalité humaine qui ne rentre pas dans votre calculatrice !

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